¤ WikiLeaks / Twitter / DoD / NSA : la surveillance en 140 signes
Source : http://owni.fr/2011/01/11/wikileaks-la-surveillance-en-140-signes/
En voulant forcer Twitter à coopérer dans son enquête contre Julian Assange, le Département de la justice américain espère probablement trouver des preuves contre le fondateur de WikiLeaks. Il vient surtout d’envoyer un message désastreux.
Tags états-unis, Facebook, Global Network Initiative, justice, surveillance, twitter, wikileaks
par Olivier Tesquet Le 11 janvier 2011
Dans la quête qu’il a engagé pour coincer légalement Julian Assange, le département de la Justice (DoJ) américain a multiplié les manoeuvres depuis six semaines. Le 30 novembre, soit le lendemain des premières fuites diplomatiques coordonnées par WikiLeaks, le procureur général Eric Holder notifiait la presse de l’ouverture d’une “enquête active”. En coulisses, ses collaborateurs évoquaient l’Espionage Act, un texte antédiluvien de 1917 qui a valu aux époux Rosenberg de mourir sur la chaise électrique aux grandes heures du maccarthysme.
C’était sans compter sur la solidité du Premier Amendement et son importance jurisprudentielle. Après quelques semaines d’investigation, l’administration Obama a réalisé qu’il serait difficile, sinon impossible, d’escamoter ce totem constitutionnel, aussi sûr qu’il serait beaucoup trop risqué d’impliquer les rédactions partenaires de WikiLeaks, au premier rang desquelles le New York Times. La difficulté pourrait s’énoncer ainsi: si Assange a “volé” les documents, les journalistes sont coupables de recel. Et comme le confirmait récemment à OWNI un journaliste du Monde, “cette possibilité n’a jamais été envisagée, et le gouvernement américain a été plutôt avenant avec la presse, dès le départ”.
Twitter, pour quoi faire?
Si la task force judiciaire a desserré l’étau autour des rédactions pour les laisser travailler, elle n’a pas abandonné son obsession: le 8 janvier, le DoJ a transmis à Twitter un “subpoena” (une injonction dans le droit anglo-saxon). La raison? Réclamer à l’entreprise l’ensemble des informations relatives
à certains utilisateurs réputés proches de WikiLeaks. Identifiants, historiques de connexion, adresses IP, Twitter a été sommé de fournir l’ensemble de ces détails, sur une période qui court du 1er novembre 2009 à aujourd’hui. Parmi eux, Birgitta Jonsdottir, une députée islandaise ayant activement participé à la sortie de la vidéo Collateral Murder, qui montrait en avril 2010 la bavure d’un hélicoptère Apache en Irak; Jacob Appelbaum, un des transfuges de Tor, dont le routage en oignon a pu aider WikiLeaks à rester dans l’ombre; Rop Gonggrijp, un hacker néerlandais qui a depuis coupé les ponts avec Assange.
Glenn Greenwald, éditorialiste pour Salon.com et ancien juriste, s’est procuré une copie du document (PDF) transmis par la justice américaine. Sur le site, il s’inquiète du message envoyé par les autorités, rappelant par la même occasion que WikiLeaks “ne fait que porter à la connaissance du public des documents confidentiels, ce que les journalistes d’investigation font quotidiennement”. En assistant à ce coup à trois bandes hautement technique, on pourra se demander: pourquoi les équipes d’Holder auraient-elles besoin de toutes ces informations? L’objectif est simple: lier Assange à Bradley Manning, l’analyste suspecté de lui avoir fourni 250.000 mémos diplomatiques classifiés sur un CD gravé de Lady Gaga. Si elle devait être prouvée, cette relation serait recouverte par un chef d’accusation aux couleurs sépia des “activités anti-américaines”: la conspiration. McClatchy a déjà rappelé qu’une telle corrélation serait tout sauf aisée, et la raison tient en trois points, enchâssés: (more…)