Le 3 août dernier, une agence de presse russe a publié une étonnante synthèse, signée d’Andreï Arechev et intitulée L’arme climatique : une conspiration ?. Ce texte défendait l’idée que « la canicule actuelle, observée exclusivement sur le territoire de la Russie et ses régions limitrophes, pourrait sous-entendre plus que des explications scientifiques naturelles ».
Quelques jours plus tard, dans la presse algérienne, Chems Eddine Chitour, enseignant à l’École Polytechnique d’Alger, s’inquiétait quant à lui des inondations qui frappaient le Pakistan et n’hésitait pas à déclarer : Y a-t-il une autre cause qui pourrait expliquer les inondations diluviennes qui n’ont pas eu lieu depuis quatre-vingt ans ? On pense au projet HAARP. Le mot était lâché.
C’est dans le numéro de décembre 2007 du mensuel The Ecologist, le fameux magazine créé par Edward Goldsmith et d’orientation plutôt conservatrice, que Michel Chossudovsky, professeur d’économie à l’université d’Ottawa, a tiré la sonnette d’alarme en dénonçant dans l’High-frequency Active Aural Research Program ( HAARP) une arme de destruction massive mais non létale, capable, en modifiant le climat de pays précis, de déstabiliser leurs systèmes agricoles et écologiques, donc de les affaiblir, voire de les rendre ingouvernables.
En soi, l’idée n’est pas nouvelle et les stratégies du Pentagone l’ont conçue dès le début de la Guerre froide, avec comme seule limitation les capacités techniques de l’époque. 1967, durant la guerre du Vietnam, que l’arme climatique put être utilisée : dans le cadre du projet Popeye, des « ensemencements » de nuages eurent lieu en haute atmosphère afin de prolonger la saison des moussons et de bloquer les voies d’approvisionnement des Vietcongs.
Zbigniew Brzezinski, a qui rien n’échappait, évoqua quelques années plus tard, dans son livreEntre deux siècles, la possibilité d’utiliser la régulation de la météo comme moyen de régulation géopolitique. L’idée était dans l’air, au point que dès 1977, une convention internationale fut ratifiée par l’Assemblée générale des Nations Unies interdisant « un usage militaire et toute autre forme d’utilisation hostile des techniques de modifications environnementale ayant des effets étendus, durables ou graves », ainsi que de toutes « les techniques pour changer, grâce à une manipulation délibérée, des processus naturels, la dynamique, la composition ou la structure de la terre, y compris ses biotopes, sa lithosphère, son hydrosphère et son atmosphère ».
Ce n’est cependant qu’en 1990, que grâce aux importants progrès de la science, fut lancé un véritable programme financé par la direction de Recherches maritimes des États-Unis, par le laboratoire de Recherche de l’armée de l’air américaine et par l’Agence pour les projets de recherches avancée de défense avec la participation des plus grandes universités étasuniennes. Le tout fut concrétisé par la création de la base de Gokona, en Alaska, où l’HAARP installa un réseau d’antennes de forte puissance transmettant par ondes radios haute fréquence, d’énormes quantités d’énergie dans l’ionosphère ( la couche supérieure de l’atmosphère). Selon ses propres documents de présentation, l’HAARP constituait alors un système capable de créer « des modifications locales contrôlées de l’ionosphère » en vue de modifier les communications et les radars.
S’estimant directement menacée, la Fédération de Russie confia à ses services une expertise du programme. On n’en connaît que ce qui a transpiré via un rapport de la Douma et on peut y constater que les services secrets sont pour le moins inquiets : « Les plans américains visant à réaliser des expériences à grande échelle sous le programme HAARP (et) de créer des armes capables de rompre les lignes de communications radio et les équipements installés sur les engins spatiaux et les fusées provoquent de graves incidents dans les réseaux d’électricité et dans les oléoducs et les gazoducs ; ils ont aussi un impact négatif sur la santé mentale de populations de régions entières. […] Une analyse des déclarations émanant de l’US Air Force nous fait penser à l’impensable: les manipulations clandestines de phénomènes météorologiques, des communications et des réseaux d’électricité comme arme de guerre mondiale, permettent aux États-Unis de perturber et de dominer des régions entières. La manipulation météorologique est l’arme préventive par excellence ».
Analysant ce document, Michel Chossudovsky a relevé, à juste titre, que cette guerre climatique n’est pas réservée aux pays ennemis pour déstabiliser leurs économies, leurs écosystèmes et leurs agriculture, elle peut aussi être infligée à leur insu à des pays amis des États-Unis et être utilisée pour les rendre plus dociles ou pour influer sur la composition de leurs équipes dirigeantes, par exemple en déconsidérant des hommes politiques incapables de gérer une crise climatique subite et en créant une plus grande dépendance de l’aide alimentaire et des céréales de base importées des États-Unis et d’autres pays du bloc occidental. Il ne s’agit que de conjonctures, mais force est d’admettre que la sécheresse inexpliquée de Russie comme les inondations inattendues du Pakistan, correspondent bien à ces deux axes : affaiblir un adversaire et rendre plus docile un allié.
- Source : Les Brèves de LIESI – octobre/novembre 2010
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