REPONSES AUX QUESTIONS DES LECTEURS – LES VRAIES RAISONS DE LA GUERRE EN LIBYE
par Jean-Paul Pougala, 25 mai 2011
Après mon article intitulé : Les Mensonges de la guerre de l’Occident contre la Libye, texte traduit dans une quarantaine de langues à travers le monde, j’ai reçu des milliers d’emails de réactions pour ou contre. Je remercie chaleureusement tous ceux et celles qui ont pris la peine de m’écrire. Vu le nombre élevé de ces messages, il m’était impossible de répliquer individuellement à tout le monde. J’ai ainsi décidé d’écrire cet article pour répondre collectivement à vos doutes et interrogations que j’ai résumés et regroupés en ces quelques points ci-dessous. Les réponses qui s’en suivent reflètent intimement ma pensée, mes convictions :
1- KADHAFI A-T-IL TIRE SUR SON PEUPLE ? KADHAFI A-T-IL TUE 10 000 LIBYENS ? FAUX !
Dans cette expression de « tirer sur son peuple » il y a déjà l’intention de nuire au président Libyen. On veut manipuler l’opinion en suscitant son indignation. S’il avait tiré sur le peuple italien ou français, cela aurait-il été plus normal ? Cela aurait-il été plus acceptable ? Non. En réalité, il s’agit d’une technique de manipulation, avec une association de mots savamment étudiés dans des bureaux de recherches stratégiques pour trouver les expressions appropriées à intégrer (comme justification) à la vraie guerre qui a ensuite été déclenchée.
Pour revenir à l’accusation même, l’information principale qui a motivé la résolution 1973 du Conseil de Sécurité des Nations-Unies est celle d’un prétendu carnage de 10 000 morts et 55 000 blessés en 1 mois, commandité par le Président Libyen. C’est une affirmation mensongère et ce pour plusieurs raisons :
- Logique : Pour tuer 10 000 personnes en un mois, il faut être capable d’en tuer 300 à 400 tous les jours. Seul Hitler y est parvenu, mais il a eu besoin de plusieurs installations de fours crématoires.
- La NO Fly Zone a été instaurée parce que pour tuer autant, Kadhafi aurait utilisé des avions de combat qui normalement volent à 5 000 mètres d’altitude et à une vitesse de 1 000 km/h. A moins de larguer une bombe atomique, ces avions, aussi spéciaux soient-ils ne pourraient pas réussir un tel exploit.
- Pour les blessés, leur nombre est dans tous les pays du monde fournis par des sources hospitalières. Dans la gestion optimale d’un hôpital, il est prévu environ 10 à 20 places laissées libres pour accueillir des cas impromptus. Pour les 55 000 blessés, à raison de 20 par hôpital, il faudrait 2 750 hôpitaux pour accueillir la totalité des blessés Libyens et même en utilisant tous les hôpitaux du continent africain (environ 1 230) on n’y arriverait jamais. Ceux qui ont validé ces chiffres savaient qu’ils étaient grossièrement faux.
- Les photos diffusées de ce prétendu massacre proviennent de « Sidi Hamed Cemetery », un cimetière où se déroulait une opération normale de renouvellement du sol avec déplacement des restes humains, pratique très habituelle et commune dans le monde à traditions judéo-islamo-chrétiennes pour laisser place aux nouveaux morts, tous les 10 ou 20 ans selon les pays.
- Origine de l’information. Le philosophe Chinois Mo Tseu (479-381 avant l’ère chrétienne) a écrit que pour vérifier la véracité d’une information, il faut d’abord identifier sa source et se demander quelles sont les raisons avouées et inavouées de celui qui vous communique une information. D’où est arrivée l’information ? Des rebelles, c’est naturel ! Mais diffusée sans utiliser le conditionnel par la chaine de télévision Al Jazeera qui appartient à l’émir du Qatar. Le hasard veut que ce petit pays soit le seul pays Arabe qui participe à larguer les bombes sur la tête des Libyens. Une coïncidence plutôt troublante.
A ce jour, plusieurs mois après le prétendu massacre, on n’a toujours pas l’ombre d’une preuve irréfutable. Ce qui n’a pas empêché le mandat d’arrêt du procureur de la Cour pénale internationale (CPI) Luis Moreno-Ocampo, qui était vigilant au point de menacer Gbagbo pour les 7 femmes tuées à ABOBO, le 8 Mars 2011, mais est demeuré complètement muet au moment des faits et se révèle être amnésique aujourd’hui au sujet des 1 200 morts perpétrés par le Ouattara à Duékoué (selon le CICR et la CARITAS) et cela en présence des troupes françaises de l’opération Licorne et de celles de l’ONUCCI.
Monsieur Moreno-Ocampo n’a pas jugé opportun d’effectuer le moindre déplacement en terre libyenne pour vérifier ces accusations. Qu’importe, demander l’arrestation d’un Chef d’Etat africain non docile est devenu le seul motif qui justifie l’existence même du TPI.
2- KADHAFI ET LES MIGRANTS AFRICAINS
Lorsqu’en 2006, Kadhafi réunit les Ministres de l’Intérieur africains pour leur proposer une carte d’identité unique avec une codification commune pour toute l’Afrique, afin de faciliter le déplacement des Africains sur tout le continent sans formalité administrative excessive, tous les présents étaient contents et enthousiasmés par le projet du guide Libyen. Mais, à leur retour, un coup de fil à Paris, un autre à Londres et voilà que l’idée n’était plus bonne pour certains pays qui ont vite relayé la propagande selon laquelle si la mesure était entrée en application, la Libye aurait colonisé les autres pays africains. Là où l’on atteint le comble, c’est lorsqu’on sait que les clandestins africains en Libye proviennent à 99% des pays qui avaient refusé la proposition Libyenne.
Par ailleurs, pour des raisons de sécurité intérieure, aucun pays du monde ne peut assister passivement au fait que son territoire devienne le point de passage de personnes qu’il n’est pas en mesure d’identifier. En Libye, comme dans tous les pays Africains, une même loi est en vigueur : celle qui établit le délit de clandestinité pour les étrangers démunis de titres de séjours valides.
Pour terminer, pour tous les Africains dotés d’un minimum de discernement, il ne fait aucun doute que le destin de la jeunesse africaine n’est pas de se mettre en marche vers l’illusion d’un hypothétique paradis européen pour occuper au final le bas de l’échelle des classes sociales en occident. L’objectif pour lequel il vaut la peine de se battre est celui de faire rêver l’Afrique. L’Afrique doit faire rêver les Africains, afin qu’ils aient la sérénité et l’enthousiasme nécessaire pour surmonter les défis qui les attendent.
En conclusion, accuser Kadhafi d’avoir empêché les clandestins se déplacer librement sur son territoire, c’est faire montre d’une incapacité à comprendre la complexité des problèmes qui nous entourent.
3- KADHAFI ET LA LONGEVITE DE SON POUVOIR
Une des raisons avancées pour aller bombarder la Libye est que le Guide Libyen a passé un trop grand nombre d’années au pouvoir (42 ans). Le record de longévité des hommes politiques au pouvoir n’est détenu ni par Kadhafi, ni encore moins par les Africains, mais par les Occidentaux. Prenons 4 exemples tirés des 4 pays qui bombardent la Libye dans le but avoué de lui exporter leur modèle de démocratie :
Les USA : L’ancien membre du Ku KLUX KLAN, Robert Byrd, qui a reconnu dans ses mémoires, en 2005, avoir orchestré une manœuvre au Congrès américain en 1964 pour retarder la loi sur les droits civiques des Noirs, a siégé au Sénat Américain de façon ininterrompue pendant 56 ans. Né le 20 novembre 1917, et membre du Parti démocrate et sénateur de Virginie-Occidentale, il siègera au Congrès des États-Unis de janvier 1959 à sa mort survenue le 28 juin 2010. Cela fait 63 ans au total en ajoutant les 6 ans qu’il a passés à la Chambre des Représentants, où il est entré le 20 janvier 1953 lorsque le président Harry Truman cédait sa place à la Maison Blanche à Dwight Eisenhower et dont il n’est reparti seulement qu’en raison de sa mort, sous la présidence Obama. Avant lui, monsieur Carl Hayden a été Sénateur pendant 56 ans et 319 jours, de 1912 à 1969. Et bien d’autres encore. Lorsqu’on sait qu’un sénateur Américain est 10 fois plus puissant qu’un Chef d’Etat africain, cela donne une idée de la profondeur de cette longévité politique.
En France, Louis Philippon a été maire de Juvigny dans l’Aisne, pendant 69 ans (de 1929 à 1998), Philippe de La Moissonnière-Cauvin a été maire de La Fontelaye en Seine-Maritime pendant 63 ans, de 1945 à 2008. Hubert d’Andigné a été pendant 59 ans maire du Champ-de-la-Pierre dans l’Orne de 1946 à 2005. Roger Sénié âgé de 90 ans est aujourd’hui le maire de La Bastide-de-Bousignac dans l’Ariège, poste qu’il occupe depuis octobre 1947, c’est-à-dire 64 ans, peut-être en 2014 briguera-t-il un nouveau mandat. Dans le pays de la révolution française, y aura-t-il un candidat pour le battre ? C’est le même cas que pour Monsieur Arthur Richier, âgé de 89 ans et maire de Faucon-du-Caire dans les Alpes-de-Haute-Provence, de 1947 à ce jour. Qui est fou ? Le système ou l’électeur ?
Pierre Abelin (1909-1977), politicien français qui cumulera les fonctions de ministre dans 4 gouvernements, de Shumann en 1947 à Chirac en 1974, député de 1945 à 1974, maire de Châtellerault (de 1959 à sa mort en 1977) . Et lorsqu’il meurt, il est remplacé à la mairie par sa femme, parce que son fils Jean-Pierre Abelin qui n’a que 27 ans a besoin de temps pour prendre l’héritage de papa et tout rafler : ainsi il est à la manette juste un an plus tard et devient député de la Vienne de 1978 à aujourd’hui, Conseiller général de 1977 à aujourd’hui, vice président du conseil général de 1982 à aujourd’hui. Et depuis 2008, il a ajouté à tous ces pouvoirs le poste de Maire de cette même ville. A quoi aura servi la révolution française ? Que se serait-il passé si cette saga s’était passée dans une famille africaine ? On aurait tout simplement conclu que les Africains s’accrochent au pouvoir. Voilà le détail de ce système de dynastie démocratique à la française qui justifie donc (d’après les pays occidentaux) qu’on utilise des bombes pour l’exporter en Libye ;
Roselyne Bachelot, l’actuelle Ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale a depuis 23 ans (1988) pris la succession de son père Jean Narquin qui avait été pendant 20 ans député du Maine-et-Loire de 1968 à 1988. Comme cela ne suffit pas pour rafler tout l’héritage de papa, elle cherche depuis à y ajouter une nouvelle fonction : Maire d’Angers. Son fils Pierre Bachelot né en 1970 entre au parlement dès l’âge de 22 ans comme Assistant de maman. Le petit génie de fils accompagnera la mère comme conseiller parlementaire, lorsque maman deviendra successivement Ministre de l’écologie en 2002 et Ministre de la santé en 2007. C’est cette année que le jeune Pierre prendra son autonomie à 37 ans, puisqu’il sera nommé à un poste créé sur mesure pour lui par maman à l’Inpes (l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé) avec 140 fonctionnaires, malgré sa formation en « art privé ». Elle n’est pas belle la démocratie au pays de la révolution française ? Il faut vite l’exporter en Libye.
En Italie, Giulio Andreotti a été élu député en 1946 et aujourd’hui (65 ans) il vote comme sénateur à vie. Comme il n’avait plus la force de faire la campagne électorale, il a été nommé « Sénateur à vie ». Il a ainsi cumulé ses fonctions de député et de Président du Conseil Italien, poste qu’il a occupé 7 fois en 20 ans, du 17 Février 1972 au 24 Avril 1992. Pendant ce temps, son parti, la « Démocratie Chrétienne » est resté au pouvoir sans interruption de 1946 à 1992, c’est-à-dire 46 ans. Et il ne sera balayé que par la justice pour corruption, dans le cadre de l’« Opération Mains Propres ». Pour comparaison, le parti de Kadhafi n’est resté que 42 ans au pouvoir en Libye.
Au Royaume Uni, la situation est aussi catastrophique : on n’y parle pas de la longévité d’Elizabeth II, qui est reine de 16 pays indépendants depuis 1952. En 1942, à seulement 16 ans, elle est déjà nommée chef de l’armée et passe en revue les troupes. Classée par le magazine FORBES 214ème fortune mondiale pour le seul mérite d’être née, elle coûte aux Britanniques la coquette somme de 43 millions de dollar par an. Et si Kadhafi devait devenir le roi de la Libye ? Que se serait-il passé si Kadhafi avait instauré un émirat avec sa famille, comme le Qatar qui participe aux bombardements ? Qu’aurait-on dit si pour le mariage d’un des fils de Kadhafi on avait décrété une journée fériée, immobilisé toute la nation ? Exactement comme cela s’est passé à Londres pour le mariage du prince William et de Kate le 29 avril 2011 ??? La télévision France24 a estimé le coût de cette journée fériée à 6 milliards d’euros pour le patronat britannique. Cette folie démocratique qu’on veut exporter en Libye a couté à la mairie de Londres 22 millions d’Euros pour la seule sécurité. Pendant ce temps, les frais annuels de scolarité dans les universités publiques britanniques ont été multipliés par 3 (passant de 3 900 à 10 700 euros). Le Canada, qui reste une colonie britannique, doit payer 50 millions de dollars canadiens par an pour soutenir la famille royale ; pendant ce temps, selon Statistique Canada, les frais d’inscription dans les Universités Canadiennes ont augmenté entre 1996 et 2002 : par exemple, dans la province de l’Ontario, de 141% pour la faculté de droit, de 241% pour la médecine et de 315% en dentisterie. Et on peut bien se demander comment on peut, dans ces conditions, encore prétendre concurrencer la Chine sur les spécialités intellectuelles, en pénalisant ainsi l’acquisition par la jeunesse de ces connaissances pointues. La reine est plus importante.
En Afrique, à ce jour, aucun politicien Africain n’a battu ces records d’incohérence, à n’importe quel niveau de la vie politique. Ailleurs, ce qu’on exige d’un politicien est son bilan. Pourquoi ceci ne serait-il pas valable pour le président Libyen ? Mais pour avoir une idée de son bilan politique pour son pays, il faut juste se poser la question de savoir pourquoi il n’y a jamais un seul Libyen sur les trop nombreuses embarcations de fortune qui échouent sur les côtes italiennes de Lampedusa ? Pourquoi les Libyens ne fuient-ils pas leur pays ? Mais aussi, si Kadhafi est ce méchant dictateur, pourquoi c’est le pays Africain qui a le plus grand taux d’étrangers ? Les ressortissants des USA, France, GB, se sentent-ils mieux au Qatar ou en Libye ? Et que dire du fait que le drapeau de la rébellion libyenne est bien celui de la royauté. C’est comme si des rebelles français brandissaient aujourd’hui le drapeau des rois de France, c’est-à-dire que les occidentaux font la guerre en Libye pour la ramener en arrière de 43 ans, pour passer d’une république fut-elle imparfaite, à une royauté, pourvu que le nouveau roi soit docile, et que l’argent du pétrole remplisse les banques qu’on lui indiquera, il peut être sûr qu’on lui déroulera le tapis partout en occident.
4- POURQUOI LES INTELLECTUELS AFRICAINS NE SOUTIENNENT-ILS PAS LE CNT LIBYEN ?
Le CNT est une création de la France. C’est le philosophe Français Bernard-Henri Levy qui a lui-même expliqué à la presse ses multiples voyages pour encourager les Libyens à se défaire de Kadhafi. C’est encore lui qui nous a expliqué qu’un mouvement était né. C’est toujours lui qui nous donnera le nom de CNT, il nous dira qu’il est composé de 35 membres et, pire, qu’en dehors de 3 ou 4 de ses membres, tous les autres souhaitaient garder leur anonymat. Lorsque Monsieur Lévy a révélé au monde que Kadhafi utilisait des Noirs venus d’Afrique noire, payés une bouchée de pain, personne n’avait auparavant songé à lui expliquer que les tribus du sud de la Libye sont composées essentiellement de populations noires qui se trouvent être représentées à tous les postes de l’administration Libyenne. En effet, contrairement à la France, plusieurs ambassadeurs Libyens dans le monde sont des Noirs, des Noirs Libyens. Le racisme peut rendre aveugle. L’erreur de BHL était basée sur la conception raciste des Européens du 19ème siècle qui tend à séparer les populations africaines d’origine arabe et les Noirs sur la base d’un classement hiérarchique des valeurs culturelles des uns et des autres. Ils en arrivent ainsi à oublier la minorité noire présente dans toute l’Afrique du Nord, du Maroc à l’Egypte. C’est toujours notre philosophe qui a promis à Monsieur Sarkozy que la guerre n’allait pas durer plus de 3 jours, parce que, a-t-il expliqué à la presse, « l’armée de Kadhafi est composée de 300 minables hommes mal équipés ». Bernard Henri Levy, comme nous le rappelle l’agence de presse Russe RIA-Novosti, s’était trompé de la même manière en 1999, après l’attaque contre le Daguestan par Chamil Bassaïev, Lévy avait alors recommandé à l’Occident de reconnaître l’autorité du terroriste Maskhadov en Tchétchénie. Ce dernier sera abattu par les FSB (services secrets russes) le 8 mars 2005. Lévy va récidiver en été 2008, il va encore se tromper et encourager le président Georgien Mikhaïl Saakachvili à déclencher une guerre suicidaire contre la Russie. La suite, on la connait. Le pire du ridicule dans tout cela est qu’il n’a toujours pas compris que la politique est une science et que comme toute science, il faut prendre le temps d’en connaitre les principes et les mécanismes pour éviter de se tromper sur des questions les plus élémentaires de politique internationale, surtout lorsqu’on incite les manifestants pacifiques à prendre les armes et à déclencher une guerre.
Récemment, pour la commémoration des 40 ans de la fin de la guerre du Biafra, la plus meurtrière de l’Afrique, avec environ 2 000 000 de morts, la radio publique suisse RSR nous a proposé des documents inédits, piochés dans les archives du CICR, la Croix Rouge Internationale dont le siège est ici à Genève. Les témoignages étaient des interviews, réalisées il y a 40 ans, des différents dirigeants de cette organisation qui expliquaient comment le CICR profitait de son statut de neutralité pour transporter les armes pour aider à la victoire de la France dans cette guerre prétendument pour l’indépendance des Biafrais, peuple qui se trouvait ainsi pris au piège d’une décision prise à Paris qui voulait à tout prix, elle aussi, avoir son émirat pétrolier comme les Britanniques au Koweït ou au Qatar. La révélation la plus cauchemardesque de ces archives a été pour moi de découvrir que sur les 2 000 000 de morts, la moitié a été des morts inutiles, sacrifiés pour empêcher que Paris ne perde la face, car, nous dévoile le dirigeant du CICR, un an avant la fin de la guerre, tous savaient qu’elle était perdue, mais Paris et le CICR continuaient de fournir aux Biafrais de nouvelles armes tout en leur disant qu’ils étaient en train de gagner.
C’est exactement le même scénario aujourd’hui en Libye. On croyait gagner facilement une guerre en 3 jours, or, au 3ème mois sans aucune avancée, et malgré les 1 000 000 d’euros par jour que coûte à la France cette guerre (chiffre fourni par le Ministre Français de la Défense), on maintient la NO FLY ZONE en bombardant les bureaux, les écoles et les hôpitaux libyens comme si ces derniers volaient. Et comme ces actes de terreur ne marchent pas, on revient à la recette née lors de la guerre du Biafra : utiliser ses ONG pour invoquer un génocide, invoquer le Tribunal Pénal International et, même si on sait que cela ne marchera pas, qu’importe, il vaut mieux faire mourir toute la Libye, plutôt que d’avoir le courage de reconnaitre qu’on s’est trompé et qu’on a perdu la guerre.
Pour les intellectuels africains, le débat n’est nullement celui de soutenir Kadhafi contre le CNT ou de soutenir le CNT contre Kadhafi, mais il est celui du principe de la justice internationale qui est aujourd’hui biaisée par un certain nombre de pays occidentaux, qu’on connait, car ce sont toujours les mêmes qui étaient assis à la table de la conférence de Berlin en 1884 pour décider du destin de l’Afrique sans la présence des Africains, qui aujourd’hui humilient l’Union Africaine et toutes ses décisions, et s’arrogent le droit de choisir à la place des Africains leur destin. Lorsque les présidents de 3 pays occidentaux (USA, France, UK) payent une tribune dans les journaux de plusieurs pays pour annoncer que Kadhafi n’est pas un bon leader pour la Libye, je crois qu’il s’agit d’une insulte à l’intelligence des Africains. Hier nos parents et nos ancêtres étaient certes des primitifs qui ne comprenaient rien de ce qui leur arrivait, mais aujourd’hui, nous avons étudié dans les mêmes écoles, nous avons apprivoisé les mêmes connaissances que le monde entier et continuer de nous regarder du haut en bas comme des éternels esclaves, est une faute grave des occidentaux qu’il revient à nous autres Africains de corriger et non de seconder par notre silence coupable. Nous devons faire l’histoire, la nôtre, et non plus la subir. Comme nous ne disons pas aux Américains, aux Britanniques ou aux Français qui est mieux pour guider leur destin, c’est à nous de nous battre pour qu’ils n’interfèrent plus dans le processus de formation de notre propre démocratie, fut-elle imparfaite et blâmable ; et comme il s’agit d’un processus, même les échecs sont des acquis positifs devant servir à l’amélioration qui est le propre de l’adaptation pour la survie de toute espèce vivante.
La révolution libyenne a malheureusement été stoppée net, le jour où l’interférence occidentale est devenue palpable dans la crise de ce pays. Kadhafi qui semblait mis aux cordes par des manifestations naturelles dans ce processus d’amélioration du genre humain a été miraculeusement remis en scelle grâce à l’ingérence de la France qui a commis la grave erreur stratégique de transformer une manifestation pacifique en rébellion armée. Et la recette de la rébellion armée peut bien avoir fonctionné en Côte d’Ivoire, mais pas forcément ailleurs.
5- CONCLUSION
L’ignorance est le vrai danger qui mine la jeunesse africaine et empêche une prise de conscience effective des défis qui l’attendent. Contribuer à réduire cette ignorance est déjà faire quelque chose. Car c’est parce que les populations seront conscientes de leur poids et de leur valeur qu’elles pourront prétendre obtenir de leurs dirigeants des comportements plus rigoureux, respectueux de leurs intérêts. Dans l’ignorance, il n’y a point de conscientisation et chacun fait ce qu’il veut, puisque personne ne lui demande de rendre compte. Le système de manipulation des masses africaines par l’Occident a porté un sacré coup dur au processus démocratique normal de l’Afrique, puisque l’alibi du complot des Blancs affranchit très vite aux yeux du peuple tous les débordements de leurs dirigeants. Ne pas subir cette manipulation est la garantie que les Africains sauront faire la part des choses entre les dirigeants valeureux et les médiocres.
Est venu pour nous le temps de dire « enough is enough », trop c’est trop. Mais pour le faire, il faut résoudre ce problème de la grande ignorance dans laquelle baigne la majorité de nos frères et sœurs qui n’ont de jugement que par le fruit de cette manœuvre d’infantilisation dont ils sont victimes. Ce que j’ai fait n’est, je l’espère, que le début de cette nouvelle bataille que chaque Africain doit maintenant s’approprier et puis, tous ensembles, nous devons être capables d’exiger que la politique soit suffisamment rigoureuse pour soigner finalement nos intérêts et non plus exclusivement ceux de l’Occident contre les nôtres.
Nous sommes 1 milliard d’Africains. Nous devons être capables de mettre la pression sur nos dirigeants pour, d’une part, faire que l’Afrique devienne championne du monde du respect des droits naturels des êtres humains (hommes et femmes confondus) et, d’autre part, pour faire respecter nos intérêts dans tous les engagements internationaux que, bien souvent, nos haut-fonctionnaires ignorent malgré leurs multiples diplômes.
Il me plait de conclure avec ces deux pensées :
A) »Les pays africains sont encouragés à la division, afin que les puissances étrangères puissent asseoir leur domination. Il faut que l’Afrique s’unisse en un seul État comme les États-Unis d’Amérique, avec une seule armée, une seule économie, une seule monnaie. » Mouammar Kadhafi (adepte convaincu du panafricanisme de Marcus Garvey) – extrait de l’interview accordée à France24 et Radio France Internationale(RFI) le 6 Juillet 2010.
B- « LES TRAITRES de Marcus Garvey (17 août 1887, Saint Ann’s Bay, Jamaïque-10 juin 1940, Londres)
Dans la lutte pour s’élever, les opprimés sont toujours handicapés par ceux d’entre eux qui trahissent leur propre race, c’est-à-dire par les hommes de peu de foi, et tous ceux qui se laissent corrompre et acceptent de vendre les droits de leurs propres frères.
Nous non plus, membres de la race noire, ne sommes pas totalement à l’abri de ce genre de fléau. Si j’exprime le fond de ma pensée, je dirai même que nous en sommes affligés plus que toute autre race, parce que nous n’avons pas la formation et la préparation nécessaires pour occuper la place qui nous revient parmi les peuples et les nations du monde. Chez les autres races, le rôle du traitre se limite en général à l’individu médiocre et irresponsable. Les traîtres de la race noire, malheureusement, sont la plupart du temps, des gens haut placés par l’instruction et la position sociale, ceux-là même qui s’arrogent le titre de leaders. De nos jours, en effet, tout individu, ou presque, qui tente sa chance comme leader de la race, commence par s’établir, tel un animal domestique, dans les faveurs d’un philanthrope d’une autre race : il va le voir, dénigre sa race dans les termes les plus vils, humilie sa fierté d’homme, et gagne ainsi la sympathie du «grand bienfaiteur», qui lui dicte ce qu’il doit faire dans son rôle de leader de la race noire. En général, c’est : «Va dire à tes gens d’être humbles et soumis ; dis leur d’être de bons serviteurs, obéissants et loyaux envers leur maître. Si tu leur enseignes ce genre de doctrine, tu peux toujours compter sur moi pour te donner 1000 dollars, ou 5000 dollars par an de revenus, pour ton journal et l’institution que tu représentes. Je te recommanderai à mes amis comme un brave homme sans problèmes».
Nanti de ces avis, et d’une promesse de patronage, le leader noir ordinaire s’en va guider les masses infortunées. Il nous dit tout le bien possible de Mr Untel, nous racontes combien nous avons de bons amis dans l’autre race, et assure que tout ira bien à condition qu’on s’en remette complètement à lui. Voici le genre de direction que nous subissons depuis un demi-siècle. Je ne vois là rien d’autre que perfidie et trahison de la pire espèce.
Si l’homme qui met en difficulté son pays est un traître, celui qui brade les droits de sa race n’est pas autre chose. Tant que nous ne serons pas établis en tant que nation de 400 millions d’hommes (en 1910), et que nous n’aurons pas fait comprendre à ceux qui se sont placés à notre tête que nous sommes mécontents et dégoûtés ; tant que nous n’aurons pas choisi nous-mêmes un leader envers qui nous remplirons nos engagements, nous serons incapables de sortir du bourbier de la dégradation et de nous élever vers la liberté, la prospérité et l’estime humaine ». Marcus Garvey (père du concept du panafricanisme, Garvey était un intrépide combattant contre l’humiliation infligée à la population de peau noire depuis 1500 ans d’esclavage arabe et européen)
Genève le 25 Mai 2011
Jean-Paul Pougala
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N.B : Jean-Paul Pougala est Ecrivain, Economiste et Politologue Camerounais, Directeur de l’Institut d’Etudes Géostratégiques et Professeur à la Geneva School of Diplomacy de Genève en Suisse.