¤ De nouveaux éléments sur le meurtre de Mouammar Kadhafi et les exécutions de masse par les rebelles libyens
Le HuffPost avec AFP | Publication: 17/10/2012 14:51 Mis à jour: 17/10/2012 14:58
Intitulé, « Mort d’un dictateur: Vengeance sanglante à Syrte », un rapport publié mercredi 17 octobre par l’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch (HRW) détaille les dernières heures de Kadhafi et les circonstances de sa mort. Le rapport de 50 pages s’arrête aussi sur celle du fils Mouammar Kadhafi et de celle de membres de son convoi.
« Les résultats de notre enquête soulèvent des questions » sur les circonstances de la mort du dictateur, affirme Peter Bouckaert, directeur de la division Urgences à HRW.
L’ONG évoque des vidéos montrant que le dictateur a été capturé vivant mais saignant d’une blessure à la tête. Selon HRW, on y voit les rebelles battre violemment le dictateur et il semble avoir été blessé à la baïonnette sur les fesses avec de forts saignements. « Il apparaît sans vie » au moment où il est filmé dans une ambulance à moitié nu, selon l’ONG.
Regardez les images diffusées par HRW (attention, certaines scènes peuvent heurter les plus sensibles) :
Sur la base d’autres images, HRW affirme que Moatassem, le fils de Mouammar, a été capturé vivant puis transporté à Misrata où on l’a vu fumant et tenant une « conversation hostile » avec des combattants. Quelques heures plus tard, « son corps est retrouvé avec une nouvelle blessure au cou qui n’était pas visible dans les premières images ».
En septembre dernier, Omran Ben Chaaban, un jeune Libyen de 22 ans considéré comme l’un des meurtriers présumés de Mouammar Kadhafi, était mort dans un hôpital parisien. Selon lui, l’ancien dictateur est décédé quelques minutes après avoir été débusqué dans un conduit de canalisation, sur la route de Misrata.
Écoutez son témoignage :
Début octobre, le quotidien italien Il Corriere della Sera révélait que le colonel Kadhafi aurait été tué par un agent secret français. Le dictateur libyen aurait menacé de faire des révélations sur le financement de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy en 2007.
« Exécutions de masse »
« Les preuves suggèrent aussi que des miliciens de l’opposition ont exécuté sommairement au moins 66 membres du convoi de Kadhafi capturés à Syrte », selon HRW. Ces miliciens de la ville de Misrata ont capturé et désarmé les membres du convoi de Kadhafi, puis les ont violemment battus. « Ils ont ensuite exécuté au moins 66 d’entre eux près de l’hôtel Mahari », ajoute-t-il, en soulignant que certains avaient leurs mains liés derrière leur dos.
En octobre 2011, un correspondant de l’AFP à Syrte avait déjà recueilli des informations et des preuves sur la découverte de 65 à 70 corps dans l’enceinte du Mahari, dont plusieurs avec une balle dans la tête. Ces « exécutions de masse » du 20 octobre 2011 sont les plus graves abus commis par les forces de l’opposition » durant les huit mois de conflit en Libye (février-octobre 2011), selon HRW.
L’organisation de défense des droits de l’Homme basée à New York a récupéré des vidéos clips de téléphones portables filmés par des combattants anti-Kadhafi qui montrent des combattants abusant et insultant un large groupe de membres du convoi capturés. Elle dit avoir utilisé des photos de la morgue « pour confirmer qu’au moins 17 des détenus visibles avaient été ensuite exécutés à l’hôtel ». HRW souligne avoir également interviewé des officiers au sein des milices rebelles.
HRW affirme avoir remis les résultats de son enquête aux autorités de transition libyennes. L’ONG indique avoir demandé aux nouvelles autorités de mener une enquête complète sur ces crimes qui s’assimilent à des crimes de guerre.
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D’après le quotidien italien Il Corriere della Sera, le colonel Kadhafi aurait été tué par un agent secret français avec la complicité de Damas. Pourquoi ? Parce que le dictateur libyen menaçait de faire des révélations sur le financement de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy en 2007. Pour le régime syrien, il s’agissait de resserrer les liens avec la France.Le président français Nicolas Sarkozy recevant Mouammar Kadhafi à l’Elysée le 10 décembre 2007.AFPCe serait donc un “agent étranger”, et non les Brigades révolutionnaires libyennes, qui aurait tué Muammar Kadhafi d’une balle dans la tête le 20 octobre 2011, près de Syrte. Ce n’est pas la première fois que la version officielle de la mort du Colonel est mise en doute en Libye ou à l’étranger. Mais cette fois, c’est Mahmoud Jibril lui-même, ancien Premier ministre du gouvernement transitoire et aujourd’hui pressenti pour diriger le pays après les élections parlementaires du 7 juillet [son parti a obtenu la majorité], qui relance l’hypothèse d’un complot ourdi par des services secrets étrangers. “C’est un agent étranger infiltré dans les Brigades révolutionnaires qui a tué Kadhafi”, a déclaré ce dernier lors d’un entretien accordé à la chaîne de télévision égyptienne Dream TV, au Caire, où il participait à un débat sur le “printemps arabe”.Un barbouze était donc présent au moment du lynchage de Kadhafi par les rebelles. Au sein des cercles diplomatiques occidentaux présents dans la capitale libyenne, la théorie officieuse la plus répandue est que, si des services étrangers sont effectivement impliqués, “alors il s’agit presque certainement des Français”. Et d’ajouter : “Le fait que Paris ait voulu éliminer le colonel Kadhafi est un secret de polichinelle.” Le raisonnement est bien connu : dès les premiers signes de soutien de l’OTAN à la révolution, en grande partie sous l’impulsion du gouvernement de Nicolas Sarkozy, Kadhafi a menacé de révéler les détails de ses liens avec l’ancien président de la République, à commencer par les millions de dollars versés pour financer sa campagne électorale en 2007. “Sarkozy avait toutes les raisons de faire taire le raïs au plus vite”, nous ont répété samedi 29 septembre des sources diplomatiques européennes à Tripoli. Une thèse renforcée par des révélations obtenues par le Corriere della Sera il y a quatre jours à Benghazi.
La trahison de Bachar El-Assad
Là-bas, Rami El-Obeidi, ancien responsable des relations avec les agences de renseignements étrangères pour le compte du Conseil national de transition jusqu’à mi-2011, nous a révélé comment l’OTAN avait pu localiser la cachette de Kadhafi après la libération de Tripoli par les révolutionnaires entre le 20 et le 23 août 2011. “À l’époque, on pensait qu’il s’était enfui dans le désert, en direction de la frontière sud de la Libye”, explique Obeidi. Mais en réalité, il s’était réfugié dans son fief de Syrte avec son fils, Mutassim, qui dirigeait les dernières troupes encore en état de combattre. Obeidi ajoute : “Là, le raïs a essayé de communiquer, grâce à son téléphone satellite Iridium, avec certains de ses fidèles qui avaient trouvé refuge auprès de Bachar El-Assad, en Syrie. Parmi eux, il y avait notamment son disciple chargé de la propagande télévisée, Youssef Shakir. Et c’est justement le chef d’État syrien qui a transmis le numéro de téléphone satellitaire de Kadhafi aux services secrets français.” La raison ? “En échange, Assad aurait obtenu de Paris la promesse de limiter les pressions internationales sur la Syrie en vue de faire cesser la répression contre le peuple en révolte.” Localiser le téléphone satellite et son propriétaire aurait ensuite été un jeu d’enfant pour les experts de l’OTAN. Si cette thèse venait à être confirmée, nous pourrions en déduire que ce fut la première étape vers la fin tragique du dictateur, quelques semaines plus tard.
- Corriere della Sera |
- Lorenzo Cremonesi |
- 1 octobre 2012