¤ Résistance politique: Devant les crimes de l’oligarchie, un changement radical de société est une manœuvre de salubrité publique ~ 2ème partie ~
Résistance politique: Devant les crimes de l’oligarchie, un changement radical de société est une manœuvre de salubrité publique ~ 2ème partie ~
« Jamais il n’a été permis de mentir aux citoyens avec une si parfaite absence de conséquences. Le spectateur est seulement censé ignorer tout, ne mériter rien. »
– Guy Debord , 1988–
« Pour rester libre, il faut sans cesse rester en garde contre ceux qui gouvernent: rien de plus aisé que de perdre celui qui est sans défiance, et la trop grande sécurité des peuples est toujours l’avant-coureur de leur servitude. »
« C’est à la violence que les états doivent leur origine; presque toujours quelque heureux brigand en est le fondateur et presque partout les lois ne furent, dans leur principe, que des règlements de police, propres à maintenir à chacun la tranquille jouissances de ces rapines. »
– Jean Paul Marat, 1774 –
Une analyse de l’esprit de révolte et des révolutions par Pierre Kropotkine en 1914, texte d’une actualité stupéfiante et déconcertante, preuve que rien n’a changé dans le fond depuis bien plus de cent ans et que nous publions en deux parties. A lire et diffuser sans modération. Dans cette seconde partie, Kropotkine s’appuie sur l’exemple de la révolution française, période historique qu’il avait particulièrement étudiée, pour nous montrer que la voie étatique n’est pas inéluctable. Jean Paul Marat, révolutionnaire méconnu, l’avait lui aussi bien compris. Ce n’est pas par hasard si Marat a été assassiné… Il était de fait, bien plus dangereux pour l’oligarchie pilotant déjà la jeune république que tous les Saint Just, Danton et Robespierre réunis…
– Résistance 71 –
L’esprit de révolte, 2ème partie
Pierre Kropotkine, 1914
III
Une étude serait à faire, — intéressante au plus haut degré, attrayante, et surtout instructive — une étude sur les divers moyens d’agitation auxquels les révolutionnaires ont eu recours à diverses époques, pour accélérer l’écolosion de la révolution, pour donner aux masses la conscience des évènements qui se préparaient, pour mieux désigner au peuple ses principaux ennemis, pour réveiller l’audace et l’esprit de révolte. Nous savons tous très bien pourquoi telle révolution est devenue nécessaire, mais ce n’est que par instinct et par tatonnements que nous parvenons à deviner comment les révolutions ont germé.
L’état-major prussien a publié dernièrement un ouvrage à l’usage de l’armée, sur l’art de vaincre les insurrections populaires, et il enseigne, dans cet ouvrage, comment l’armée doit agir pour éparpiller les forces du peuple. Aujourd’hui, on veut porter des coups sûrs, égorger le peuple selon toutes les règles de l’art. Eh bien, l’étude dont nous parlons serait une réponse à cette publication et à tant d’autres qui traitent le même sujet, quelquefois avec moins de cynisme. Elle montrerait comment on désorganise un gouvernement, comment on relève le moral d’un peuple, affaissé, déprimé par la misère et l’oppression qu’il a subies.
Jusqu’à présent, pareille étude n’a pas été faite. Les historiens nous ont bien raconté les grandes étapes, par lesquelles l’humanité a marché vers son affranchissement, mais il ont peu prêté d’attention aux périodes qui précédèrent les révolutions. Absorbés par les grands drames qu’ils essayèrent d’esquisser, ils ont glissé d’une main rapide sur le prologue, mais c’est ce prologue qui nous intéresse surtout.
Et cependant, quel tableau plus saisissant, plus sublime et plus beau que celui des efforts qui furent faits par les précurseurs des révolutions ! ! Quelle série incessante d’efforts de la part des paysans et des hommes d’action de la bourgeoisie avant 1789 ; quelle lutte persévérante de la part des républicains, depuis la restauration des Bourbons en 1815, jusqu’à leur chûte en 1830 ; quelle activité de la part des sociétés secrètes pendant le règne du gros bourgeois Louis-Philippe ! Quel tableau poignant que celui des conspirations faites par les Italiens pour secouer le joug de l’Autriche, de leurs tentatives héroïques, des souffrances inénarrables de leurs martyrs ! Quelle tragédie, lugubre et grandiose, que celle qui raconterait toutes les péripéties du travail secret entrepris par la jeunesse russe contre le gouvernement et le régime foncier et capitaliste, depuis 1880 jusqu’à nos jours !
Que de nobles figures surgiraient devant le socialiste moderne à la lecture de ces drames ; que de dévouement et d’abnégation sublimes et, en même temps, quelle instruction révolutionnaire, non plus théorique, mais pratique, toute d’exemple à suivre.
Ce n’est pas ici à entreprendre une pareille étude. La brochure ne se prête pas à un travail d’histoire. Nous devons donc nous borner à choisir quelques exemples, afin de montrer comment s’y prenaient nos pères pour faire de l’agitation révolutionnaire, et quel genre de conclusions peuvent être tirées des études en question.
Nous jetterons un coup d’oeil sur une de ces périodes, sur celle qui précéda 1789 et, laissant de côté l’analyse des circonstances qui ont créé vers la fin du siècle passé une situation révolutionnaire, nous nous bornerons à relever quelques procédés d’agitation, employés par nos pères.
Deux grands faits se dégagent comme résultat de la Révolution de 1789-1793. D’une part, l’abolition de l’autocratie royale, et l’avènement de la bourgeoisie au pouvoir ; d’autre part l’abolition définitive du servage et des redevances féodales dans les campagnes. Les deux sont intimement liés entre eux, et l’un sans l’autre n’aurait pu réussir. Et ces deux courants se retrouvent déjà dans l’agitation qui précéda la Révolution : l’agitation contre la royauté au sein de la bourgeoisie, l’agitation contre les droits des seigneurs au sein des paysans.
Jetons un coup d’oeil sur les deux. (more…)