¤ Un brevet du CNRS en 2012 : des nano-fibres plastiques hautement conductrices qui se construisent « toutes seules »
Source : http://www2.cnrs.fr/presse/communique/2571.htm
Paris, 20 AVRIL 2012
Deux équipes du CNRS et de l’Université de Strasbourg, menées par Nicolas Giuseppone 1 et Bernard Doudin2, ont réussi à fabriquer des fibres plastiques fortement conductrices, de quelques nanomètres d’épaisseur. Ces nano-fils, qui font l’objet d’un brevet déposé par le CNRS, se construisent « tout seuls » sous la seule action d’un flash lumineux ! Peu coûteux à obtenir et faciles à manipuler contrairement aux nanotubes de carbone3, ils allient les avantages des deux matériaux utilisés à ce jour pour conduire le courant électrique : les métaux et les polymères organiques plastiques4. En effet, leurs remarquables propriétés électriques sont proches de celles des métaux. De plus, ils sont légers et souples comme les plastiques. De quoi relever l’un des plus importants défis de l’électronique du 21e siècle : miniaturiser ses composants jusqu’à l’échelle nanométrique. Ces travaux sont publiés le 22 avril 2012 dans l’édition en ligne avancée de la revue Nature Chemistry. Prochaine étape : démontrer que ces fibres peuvent être intégrées industriellement dans des appareils électroniques comme les écrans souples, les cellules solaires, etc.
Lors de précédents travaux publiés en 20105, Nicolas Giuseppone et ses collègues étaient parvenus à obtenir pour la première fois des nano-fils. Pour ce faire, ils avaient modifié chimiquement des molécules de synthèse utilisées depuis plusieurs dizaines d’années dans l’industrie pour le processus de photocopie Xerox® : les « triarylamines ». A leur grande surprise, ils avaient observé qu’à la lumière et en solution, leurs nouvelles molécules s’empilaient spontanément de manière régulière pour former des fibres miniatures. Ces fils longs de quelques centaines de nanomètres (1 nm = 10-9 m, soit un milliardième de mètre), sont constitués par l’assemblage dit «supramoléculaire » de plusieurs milliers de molécules.
Les chercheurs ont ensuite étudié en détail, en collaboration avec l’équipe de Bernard Doudin, les propriétés électriques de leurs nano-fibres. Cette fois-ci, ils ont mis leurs molécules en contact avec un microcircuit électronique comportant des électrodes en or séparées de 100 nm. Puis ils ont appliqué un champ électrique entre celles-ci.
© Réalisation graphique M. Maaloum, ICS (CNRS).
Vue d’artiste établie à partir d’une image réelle de microscopie à force atomique (AFM) montrant des fibres supramoléculaires conductrices piégées entre deux électrodes d’or séparées par une distance de 100 nm. Chaque fibre plastique est composée de plusieurs fibrilles, et capable de transporter les charges électriques avec la même efficacité qu’un métal.
Premier résultat important : sous l’action d’un flash lumineux, les fibres se construisent uniquement entre les électrodes. Seconde donnée surprenante : ces structures aussi légères et flexibles que les plastiques se sont révélées capables de transporter des densités de courant extraordinaires, supérieures à 2.106 Ampère par centimètre carré (A.cm-2), approchant celles des fils de cuivre. Cela, avec des résistances d’interfaces avec les métaux6 très faibles : 10 000 fois inférieures à celle des meilleurs polymères organiques actuels.
Désormais, l’objectif des chercheurs est de démontrer que leurs fibres peuvent être intégrées industriellement dans des appareils électroniques miniaturisés tels que les écrans souples, cellules solaires, transistors, nano-circuits imprimés, etc.
© M. Maaloum, ICS (CNRS).
Image réelle de microscopie à force atomique (AFM) montrant une fibre supramoléculaire conductrice composée elle-même de plusieurs fibrilles. Chaque grain correspond à une molécule (l’image fait 50 nm de hauteur).
© Nicolas Giuseppone, Gad Fuks et Mathieu Le Jeune.
Auto-construction de nano-fibres plastiques conductrices, sous l’action d’un flash lumineux.
Notes :
1Institut Charles Sadron (CNRS)
2Institut de physique et chimie des matériaux de Strasbourg (CNRS / Université de Strasbourg)
3Tubes creux en carbone d’un diamètre de l’ordre du nanomètre (1 nm = 10-9 m), dotés de propriétés électriques, mécaniques et thermiques remarquables laissant entrevoir de nombreuses applications dans le domaine de la microélectronique.
4Très grandes molécules organiques, c’est-à-dire d’origine pétrolière ou vivante, et contenant principalement du carbone et de l’hydrogène.
5The Hierarchical Self-Assembly of Charge Nanocarriers: A Highly Cooperative Process Promoted by Visible Light ; Giuseppone, N. et co. Angew. Chem. Int. Ed. 2010, 49, 6974-78
6Grandeur caractérisant la « force » avec laquelle le conducteur s’oppose au passage du courant.
Références :
Light-triggered Self-construction of Supramolecular Organic Nanowires as Metallic Interconnects. Vina Faramarzi, Frédéric Niess, Emilie Moulin, Mounir Maaloum, Jean-François Dayen, Jean-Baptiste Beaufrand, Silvia Zanettini, Bernard Doudin, and Nicolas Giuseppone. Nature Chemistry, En ligne le 22 avril 2012 (DOI: 10.1038/NCHEM.1332)
Contacts :
Chercheur l Nicolas Giuseppone l T 03 88 41 41 66 lgiuseppone@unistra.fr
Bernard Doudin l T 03 88 10 72 39 lbdoudin@ipcms.unistra.fr
Valorisation l Julien Brohan l julien.brohan@fist.fr
Presse CNRS l Priscilla Dacher l T 01 44 96 46 06 lpriscilla.dacher@cnrs-dir.fr