¤ Colonialisme en Amérique du Sud: Le cas édifiant du Honduras…
Un monde plus trop bucolique, champ de bataille pour les corporations
Anne Wolff
6 Décembre 2013
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« Mais, me disent certains, pourquoi le Honduras ? » Oui, pourquoi ce petit pays dont l’histoire depuis les débuts de la colonisation ne cesse de rebondir de tragédie en tragédie, toujours en pire. Pour des raisons personnelles, d’une part, qui ont à voir avec mon respect pour les résistants indigènes, garifuna et autres combattants honduriens pour un monde communal, pour un projet paysan, à échelle humaine, et qui portent ce projet avec une détermination, une intelligence, un courage et surtout une grande générosité que les épreuves, dont font partie la terreur, les tortures, les meurtres sélectifs ou non, confirmant cette belle assertion du mouvement zapatiste : « Il faut beaucoup d’amour pour faire une révolution », ne parviennent pas à briser.
« Ami, si tu tombes un ami sort de l´ombre à ta place. »
Les raisons personnelles ne sont qu’une petite partie de l’explication, le Honduras est au cœur de la lutte contre le pouvoir des corporations transnationales, le principal laboratoire actuel de la dictature transnationale sous couverture de démocratie, sous sa forme la plus avancée. C’est à la continuation de cela que s’oppose le Front national de Résistance Populaire et sa branche électorale LIBRE.
Actuellement nul gouvernement au monde ne propose un projet paysan. Hugo Chavez a certainement été celui qui avait poussé le plus loin un programme de souveraineté alimentaire fondé dans l’agriculture paysanne et l’aide au petit artisanat, dans un pays libre d’OGM et où les gardiens des semences facilitent la reproduction et la mise en circulation des semences locales, toutes formes de royalties étant interdites.
Nous devons donc évaluer les pays, les gouvernements, les régimes en termes d’espaces de liberté plus ou moins grands, pour les mouvements populaires, paysans et autres, leur ouvrant – où non – les possibilité de s’organiser d’une manière qui permettent de renforcer la participation des habitants aux décisions qui les concerne. A ce stade, nous parlerons de démocratie participative.
Pas cette fiction de participation organisée par l’Europe, par laquelle des paysans considérés comme ignares sont censé applaudir la « chance » qui leur est offerte de devenir des maillons de la chaîne de production d’Unilever, ( Les gouvernements européens dans les mains des corporations) tout en assurant à cette corporation une couche de verni écologique. Pas la participation européenne, qui choisi quelques représentants mi cooptés, mi auto-proclamés, des pauvres, leur fait visiter l’Europe en goûtant du confort des hôtel 5 étoiles de Malaga et autres haut lieu touristique, pendant que les habitants du pays s’en prennent plein la gueule d’austérité aggravée mais eux le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on ne les consulte pas (« Loi de sécurité espagnole » ou « le franquisme est de retour ». Espagne :: Le maire de Marinaleda sous les verrous Dormir dans la rue à Madrid entraînera 750 euros d’amende), après nos « consultants » pauvres d’Europe vont ratifier des mesures auxquels ils n’entravent que dalle, vu qu’ils ne sont déjà pas capables de donner une simple définition de la participation, et qui ne savent donc pas ce qu’ils font ! Si, si c’est authentique, pur label Europe des Corporations. Je donne les exemples que je connais, Chacun en connaît certainement d’autres de la même veine, des histoires de pouvoir confisqué avec quelques récupérés aux ordres qui donnent un verni de consultation à des mesures de privation de bien-être qui affectent tous les autres. Il faut en finir avec ce genre de lamentable comédie.
Or existe aujourd’hui un mouvement mondial, qui propose un projet de monde, différent, ce mouvement est né du mouvement paysan international mais l’ampleur de ses analyses et de ses propositions ont fait de ce projet de monde une proposition faite à chaque habitant de la Terre de devenir co-auteur de son destin, celle d’une manière raisonnable d’habiter la planète, en bons voisins. La mondialisation anti-globale de ce mouvement en fait aussi l’ambassadeur de relations de paix et de respect entre tous les peuples de la terre, entre tous les habitants !
Une fois sorti du cocon mental de la propagande que nous ont concocté les Corporations Mondiales, afin de pouvoir conquérir les biens et le pouvoir sans rencontrer trop de résistance, nous prenons conscience de ce pouvoir, non pas comme une fatalité qui ne souffre d’autre réponse que notre impuissance, notre soumission sans contestation, mais bien comme un projet issus de cerveaux humains (ou assimilés) qu’il est possible de combattre, mais seulement collectivement. En Europe, chaque jour les espaces de liberté se rétrécissent comme peau de chagrin, depuis l’accès les restriction de l’accès à la terre à celle de la propriété de son logement, jusqu’à la criminalisation accrue des dissidences, sans parler du sommeil des consciences, ou des effets délétères des matrices d’opinions véhiculée par la propagande organisées qui manipulant des inconscients collectifs à grande échelle, détourne colère et frustration vers les boucs-émissaires désignés à cet effet, ce qui rend chaque jour toute forme de résistance plus compliquée, plus risquée, mais aussi plus « gratifiante » quand on arrive à l’inventer, à la faire exister
Il y a beaucoup de choses à dire à ce sujet, mais une première chose serait de suivre les conseils d’anciens, qui en ont vu d’autres, comme ces survivants des dictatures d’Amérique Latine qui nous déconseillent de suivre les conseils de Mao en confondant les Corporations avec des Tigres de Papier. Ce ne sont pas des Tigres de Papier, mais biens des « hommes mauvais » qui ont accumulé une somme de pouvoir et de moyens, et s’attribuent droits de vie et de mort sur les habitants de la Terre, à une échelle inouïe, inimaginable (sauf dans certains bouquins de SF que nous lisions alors, incrédules mais qui rétrospectivement nous parlent un langage bien plus concret et réaliste !), il y a seulement quelques décennies et à peine concevable aujourd’hui. Je l’ai déjà exprimé de cette manière : « Emotionnellement c’est irrecevable – un tel niveau de malfaisance- mais les enchaînements irréfutables mis en lumière par d’innombrables chercheurs nous le disent, être rationnel à présent revient à accepter l’inacceptable, un monde que le projet de quelques-uns plonge entièrement dans la misère, la guerre, la souffrance, la maladie, la soif, la faim, des phénomènes qui se constatent à l’œil nu dans la dégradation globale de nos paysages, dans l’état de misère visible de nos voisins. Non pas une malchance aléatoire en un lieu donné, mais bien l’arbitraire destruction conséquence d’un projet mis en œuvre par la volonté conjuguées des puissants et de ceux qui les servent, à échelle planétaire : un problème global.
Autrement dit : le renforcement des interactions longues distances mise en œuvre par le dit « Temps Réel » (je me retiens d’être vulgaire, comme l’est ce Temps inventé de toutes pièces) nous rend toujours plus interdépendants de n’importe quel phénomène se produisant en n’importe quel lieu de la planète. Une fabrique de vêtements esclavagiste qui s’écroule au bout du monde faisant des centaines de morts, c’est autant de vêtements à « bas prix » que nous ne trouverons pas au supermarché pour habiller nos ripailles de fin d’années. Parce que le problème aussi est là, à quoi bon s’indigner si nous continuons à cautionner par notre dépendance consumériste les modes de production mis en œuvre par les corporations et si nous continuons de nourrir leur puissance en consommant leurs produits ? Le monde des corporations est aussi celui d’une machine à fabriquer, pour besoins de ses guerres des terroristes dont la sadique cruauté, fait aujourd’hui très peur à l’idée qu’ils pourraient revenir au pays, USA, France, Belgique appliquées les méthodes de meurtres expérimentée, par exemple, sur la population syrienne. Ne vous en faites pas pour eux, les maîtres des corporations qui vivent dans des citadelles défendues par des armées privées, ne sont pas eux menacés par ce retour de flamme. Nous, oui.
Les mouvements de remises en cause d’un tel modèle à dépendance consumériste – une addiction qui nous rend prisonniers de nos exploiteurs et complice de leur destruction de notre monde – foisonnent en Amérique Latine. Au Venezuela par exemple, au-delà du nécessaire nettoyage du mouvement chaviste bolivarien, de ceux qui ne l’ont infiltré que par intérêt, une critique active se fait entendre face aux actuelles réformes économiques du gouvernement, c’est une critique intérieure au mouvement qui pose la question « Le socialisme du 21ème siècle est-ce vraiment ce modèle calqué sur les modes de production-consommation capitaliste avec une autre redistribution, plus « égalitaire ? N’avons-nous à proposer pas d’autres valeurs, d’autres richesses que les illusions du capitalisme ? » Cette question on la retrouve chez beaucoup de militants non opposants dans tous les pays progressistes de la région. Elle est formulée par le mouvement indigène-paysan dans son ensemble, et crée parfois des confrontations entre différentes composantes populaires, comme par exemple les contradictions qui se font jour en Colombie entre les propositions de réforme agraire de la Minga indigène-paysanne et celle que les FARC négocient – tant bien que mal – à la Havane avec le gouvernement.
Au Honduras, Xiomara Castro, était la candidate présidentielle soutenue par la Via Campesina, parce que la seule à prendre en compte les questions paysannes, et a pouvoir donner comme argument, la reprise dans la continuité d’une redistribution des Terres entamée sous le gouvernement de Manuel Zelaya et avortée par le coup d’état. Ce programme de redistribution régionale de terres se fonde dans la notion de « bien mal acquis », ceux qui ont été volés aux populations originaires, aux prix d’un génocide qui n’a cessé de se poursuivre et s’intensifie à nouveau, grâce à l’instrumentalisation des forces de répression dans certains pays, mais qui sont aussi l’œuvre des armées d’occupation US ou des armées privées et autres sicaires qui agissent directement pour le compte des transnationales ou de leur suppôt des oligarchies locales. Les processus d’accaparements se sont à présent étendus et touchent toute la petite paysannerie qui peut du jour au lendemain se voir expulser pour faire place à un mégaprojet, cité modèle, barrage, plantation de palmier à huile… qui comme l’immense majorité des projets du genre font de grandes promesses – pour plus tard – jamais tenues qui ont pour condition des sacrifices, au présent.
Comme le dit Stella Calloni, nous devons dans nos objectifs stratégiques considérer le « moment de l’histoire ». Le régime Obama, peu après son entrée en fonction, en Juin 2009, en effectuant au Honduras le coup d’état militaire préparé par ses prédécesseur, au même moment qu’il installait de nouvelles bases militaires, en autre en Colombie aux frontières avec le Venezuela et l’équateur, le premier régime Obama a clairement démontré dès sa mise en place sa continuité avec le régime précédent. Depuis la tentative de recolonisation de l’Amérique Latine ne cesse de s’intensifier dans une guerre globale assassine et polymorphe.
Si nous retraçons l’ensemble des fils qui se sont tissés pour permettre la confiscation des élections du 24 novembre 2013 au Honduras, depuis le retour symbolique – mais pas seulement – dans ce pays de l’ex-ambassadeur complice des Escadrons de la Mort, Negroponte en Juin 2008, si nous arrivons à identifier toutes les méthodes qui ont été utilisées pour que les élections du 24 novembre portent au pouvoir – apparent – l’oligarchie putschiste avec une fiction de légitimité, afin que ce soit « légalement et démocratiquement » qu’elle organise la cession du pays – déjà bien avancée – dont la propriété progressivement est transférée au pouvoir des transnationales, nous verrons l’ampleur des moyens dont les corporations disposent pour parvenir à leur fin – démocratiquement.
Mais cet appropriation du pays, la mise en place d’un régime de terreur et des conditions d’une forme d’apartheid, n’est pas le seul intérêt du Honduras, il est aussi un lieu stratégique pour la recolonisation militaire du continent, ainsi qu’il le fut au cours des années 80, en temps que base de la lutte anti-insurrectionnelle US. Un des « péchés » du gouvernement de Manuel Zelaya fut de vouloir mettre les yankees hors des bases militaires qu’ils possèdent dans le pays, et en particulier la plus grande d’Amérique Du Sud, Palmerola, encore qu’une rumeur circule qui voudrait qu’en plus de nouvelles cessions de territoire en cours, le nouveau régime négocie l’installation d’une base encore plus grande sur ce qui n’est plus le Honduras, pays souverain, mais bien un territoire soumis à la dictature apatride des corporations.
Quand une banque s’est mise a racheter tout ce qu’elle pouvait de terres de la vallée ou je vivais et des vallées voisines, je me suis dit qu’il était normal qu’une aussi belle vallée suscite l’intérêt de ceux qui voulaient se faire du pognon avec le tourisme. Il m’aura fallu quelques années pour comprendre que ce n’était pas Ma vallée qui était visée mais qu’il s’agissait bien d’un accaparement global à échelle planétaire. C’est le grand défaut des mouvements de contestation européens, d’être repliés sur eux-mêmes, déconnectés les uns des autres, celui pour lequel nous aurions beaucoup à apprendre des mouvements latino qui de multiples manières et à travers diverses plateforme qui unissent des mouvements « du et par » les peuples, défendant les droits existants et en inventant de nouveaux pour protéger la diversité et la spécificité des différents groupe, lui permettre de s’épanouir.
Un exemple édifiant où la solidarité fait ses preuves : sans la présence des membres de la Via Campesina Internationale, à la Conférence sur l’agriculture paysanne de l’UE, personne sans doute n’aurait réalisé qu’un des invités agriculteur – mais pas paysan – d’honneur de l’UE était un terraniente argentin, accapareur de terre et éventuellement assassin des paysans qui refusent l’expulsion. Sans la présence des délégués de ce mouvement qui compte 200 millions d’adhérents et plus encore de sympathisants, jamais les paysans, les vrais n’aurait pu faire entendre la voix de ceux qui s’opposent à la récupération et la perversion de l’agriculture paysanne par Unilever, qui a proposé un projet que l’UE a fait sien.
Dans et hors cadre de l’année mondiale de l’agriculture paysanne, nous aurons au cours des temps à venir de multiples occasions de revenir sur ce thème, où je voulais en venir, en quoi le Honduras nous enseigne des choses importantes pour chacun d’entre nous, c’est que quand bien même un parti comme LIBRE n’est pas la panacée universelle, il est à un moment de l’histoire ce qui fait la différence pour des leaders et des activistes « communerxs » entre un monde dans lequel ce combat peut se mener, légalement, à la lumière du jour, avec l’écoute des mandataires, et le monde dans lequel l’état terroriste maintient le climat d’horreur qui réduit les habitant au stress permanent et par lequel des militants comme la meneuse de la COPINH Berta Caceres ont conscience que leur vie, ne tient plus qu’à un fil, parce qu’elle est cible pour des sicaires qui agissent en toute impunité dans le pays où les meurtres de militants – paysans, ouvriers, journalistes, défenseurs des droits de l’hommes, avocats…- sont quotidiens et systématiquement impunis, faute la plupart du temps même d’une ébauche d’enquête.
Aussi imparfaits soient les gouvernements anti-impérialistes d’Amérique Latine, tous critiquables d’un point de vue communalistes, ils permettent néanmoins ces espaces où les mouvements des communes ont pu se constituer, s’expérimenter, se renforcer et créer les structures qui permettent de soutenir les compagnon(e)s victimes de sévères répression dans d’autres pays. Permettre le développement libre et encouragé de ce mouvement au Honduras, éviter d’en refaire le lieu d’où partent les armées d’invasion de la région, cela aussi était des enjeux des élections du 24 novembre, des enjeux qui concernent tous ceux qui partout luttent pour changer le paradigme de notre manière d’habiter la planète et se rassemblent autour de ce pôle multipolaire mondial, le mouvement paysan international, qui regroupe déjà quelques centaines de millions de personnes issues de tous les continents, unies par un désir de respect, de générosité, de paix mondiale, grâce à un habiter raisonnable qui ne fera plus des humains des concurrents, , cette complémentarité active que nous sommes déjà nombreux à pratiquer qui fait de l’autre – non pas ce rival dont il faut se défier – mais un ami potentiel avec qui partager ces richesses inépuisables, de nos qualités, de nos compétences, de la chaleur humaine et de la sympathie. Ce n’est pas une utopie, c’est le rêve éveillé que certains font exister à petite échelle au quotidien.
Le cauchemar étasunien on en veut pas… les Propriétaires de Planète non plus.
Anne Wolff